
Tcikapec
12. L’origine de Tcikabis
Il y a très longtemps il y avait des gens qui étaient des cannibales. Ils tuaient quiconque ils pouvaient trouver et les mangeaient. Un jour ils tuèrent tous ceux qui habitaient dans un grand camp et, après en avoir mangé plusieurs, ils s’en allèrent. Ils avaient toutefois oublié une jeune fille qui était toujours vivante. Lorsque les cannibales furent partis, la jeune fille sortit de l’endroit où elle s’était cachée. Elle se rendit là où les cannibales avaient tué sa mère. Le corps de sa mère était là où elle avait été tuée. Comme elle regardait sa mère, elle constata que son ventre remuait, alors la jeune fille s’empara d’un couteau et éviscéra sa mère. Elle trouva un bébé à l’intérieur, qu’elle retira et dont elle prit soin. Le garçon, son frère, grandit et vécut avec elle. On l’appela Tcikabis. Ce fut l’origine de Tcikabis.
16. Tcikabis et le Soleil
Tcikabis aimait bien grimper dans les arbres. Il avait le pouvoir magique de les faire grandir. Il avait l’habitude de souffler sur l’arbre lorsqu’il en avait atteint le sommet et l’arbre allongeait sa hauteur originelle. Tcikabis montait alors jusqu’à un nouveau sommet et répétait le procédé. Il pouvait ainsi se rendre très haut.
Un jour, alors qu’il avait grimpé bien plus haut qu’à l’accoutumée, il parvint à un large sentier bien droit qui traversait le ciel. « Qui peut avoir un portage aussi large de cette qualité ? » pensa Tcikabis en lui-même. Il décida de trouver qui utilisait ce portage, alors il s’étendit en travers et s’endormit. Il fut bientôt réveillé par quelqu’un qui arrivait dans le sentier. « Maintenant je vais découvrir qui passe par ici », pensa Tcikabis. Il leva les yeux et vit le Soleil qui approchait. « Enlève-toi de mon sentier », ordonna le Soleil. « Contourne-moi », lança Tcikabis, en demeurant là où il s’était relevé. « Je ne peux pas laisser mon sentier », rétorqua le Soleil. « Tu dois t’enlever de mon chemin. » Mais Tcikabis n’avait pas peur du Soleil. « Saute par-dessus moi », dit Tcikabis en riant, déterminé à l’embêter. Lorsque le Soleil réalisa qu’il était futile d’argumenter avec Tcikabis, il l’enjamba et continua sa course.
Lorsque le Soleil marcha au-dessus de lui, Tcikabis faillit mourir de la chaleur. Lorsqu’il leva les yeux, il vit tous ses vêtements carbonisés ; en réalité, il était lui-même sévèrement brûlé. Tcikabis était furieux que le Soleil ait ainsi brûlé ses vêtements. Tcikabis descendit alors sur la terre. Sa soeur le vit arriver et vit que ses vêtements étaient presque tous brûlés. « Comment as-tu brûlé tes vêtements Tcikabis ? », demanda-t-elle. Puis Tcikabis lui raconta son aventure. Il décida de jouer un tour au Soleil afin d’être quitte avec lui pour la perte de ses vêtements, car il était vraiment en colère contre lui. Il fit ensuite un collet. « Que feras-tu avec ton collet, Tcikabis ? », demanda sa soeur. Il répondit : « Je vais régler mes comptes avec le Soleil, n’a-t-il pas brûlé tous mes vêtements hier ? » Sa soeur le prévint de ne pas jouer de tour au Soleil, mais Tcikabis n’avait pas peur.
Après avoir grimpé l’arbre à nouveau jusqu’au sentier, Tcikabis posa le collet et attendit sur un côté. Bientôt le Soleil arriva dans sa course quotidienne et se prit dans le collet. La noirceur régna aussitôt partout.
Il fit noir pendant quelque temps. Tcikabis réalisa enfin qu’il ferait noir aussi longtemps que le Soleil ne serait pas libéré. Il voulut ensuite libérer le Soleil mais il ne pouvait s’en approcher assez sans être brûlé. Il savait par expérience combien la chaleur du Soleil pouvait être dommageable.
Tcikabis rassembla ensuite tous les petits animaux et les envoya, un après l’autre, relâcher le Soleil. Ils périrent un à un. La chaleur du Soleil était trop intense pour eux. Finalement ce fut la souris qui réussit à libérer le Soleil du collet. Le Soleil poursuivit ensuite sa course et il y eut aussitôt de la lumière une fois de plus.
17. Tcikabis et le géant
Un jour il y avait des géants qui découpaient la glace à la recherche de castors. Tcikabis les vit sur le lac et décida de se rendre où ils étaient. Il dit à sa soeur : « Je m’en vais dehors et je vais découper la glace au ciseau pour trouver du castor avec les géants. » Sa soeur l’avertit : « Tcikabis, ne daigne même pas sortir parce que les géants vont te manger ! » Mais Tcikabis ne fit que rire, il n’avait pas peur. Ensuite Tcikabis diminua sa taille. Il devint si petit que ses vêtements, qui n’avaient pas rapetissé, lui faisaient à peine. Tcikabis était très drôle habillé ainsi.
Les géants virent Tcikabis arriver mais ils ne le reconnurent pas. Ils rirent de le voir ainsi accoutré. Les géants demandèrent : « À qui appartiennent ces pantalons que tu portes ? » « À mon père », répondit Tcikabis. « À qui appartient ce manteau ? » « Il appartient à mon père », dit Tcikabis.
Les géants crurent que Tcikabis était un petit garçon. Ils pensèrent qu’ils pourraient s’amuser à ses dépens. Ils dirent : « Passe ta main dans le trou et retires-en un castor. » « Très bien », dit Tcikabis. Certains géants se placèrent derrière lui. Ils avaient l’intention de le pousser dans l’eau par le trou. Tcikabis saisit un castor et le tira du trou. Les géants tentèrent de le pousser mais il continua de reculer et reprit graduellement sa taille normale. Tcikabis perça le castor de sa flèche pour le tuer. Il prit ensuite la corde de son arc et en fit une sangle de transport. Il fixa la sangle au castor, mit l’animal sur son dos et commença à s’éloigner. Les géants étaient furieux. Ils crièrent à Tcikabis. « Hé, reviens avec notre castor ! » Tcikabis s’esclaffa. « Vous me l’avez donné », répliqua-t-il et il continua de marcher. Deux géants s’en vinrent vers lui en courant et empoignèrent le castor. Tcikabis ne se retourna pas, mais il ne fit que prendre une flèche et frappa par-dessus chacune de ses épaules. Il frappa si fort qu’il cassa un des bras de chacun des géants qui tenaient le castor. Les géants lâchèrent prise et Tcikabis s’en alla chez lui.
Lorsque Tcikabis parvint chez lui, sa soeur l’attendait. « Où as-tu pris le castor ? » demanda-t-elle. « Je l’ai trouvé », dit Tcikabis. « Non, tu ne l’as pas trouvé. Tu l’as volé », rétorqua sa soeur. « Non », dit Tcikabis. « Je l’ai tiré de l’eau moi-même ! » Sa soeur était très effrayée. « Oh, Tcikabis », dit-elle, « les géants vont venir et te tuer ! » « Laisse-les venir », dit Tcikabis. Il n’avait pas peur.
Tcikabis dit à sa soeur de prendre la queue de castor et de la faire cuire. Lorsqu’elle fut prête, il dit à sa soeur de la placer comme natte à l’extérieur de la porte du wigwam. Tcikabis voulait tourmenter les géants ainsi. Chaque fois que lui ou sa soeur sortait ou entrait, chacun mangeait un petit morceau de la queue. Finalement il n’en resta presque plus. Un jour ils regardèrent dehors et virent les géants arriver. La soeur était très effrayée mais Tcikabis n’avait pas peur. Lorsque les géants furent près il dit à sa soeur de lui apporter ses deux pierres magiques. Tcikabis prit les deux pierres et les chauffa dans le feu. Lorsqu’elles furent chaudes, ils les frappa l’une contre l’autre et le wigwam devint aussitôt encastré à l’intérieur d’une grande roche avec seulement un petit trou au sommet pour permettre à la fumée de s’échapper. Les géants frappèrent la roche mais ils ne pouvaient pas la briser. Ils étaient très furieux parce qu’ils ne pouvaient pas atteindre Tcikabis. Tcikabis, en sécurité, ne fit que s’asseoir à l’intérieur et il rit.
© Les Presses de l’Université Laval